L’angoisse du premier rendez-vous crépite dans son buste. Il a le sourire tatoué aux lippes, souriant à rien d’autre qu’à l’idée de ce tête à tête accordé. Il attend un quart d’heure dehors, devant l’enseigne du restaurant qui a été sujet à des heures de réflexion. Quelque chose de chic mais dans ses moyens, de pas trop sophistiqué pour qu’ils puissent se sentir à l’aise mais de pas trop décontracté pour lui laisser deviner l’enjeu de ce date. Parce qu’il est encore dans le flou, avec ses allusions au bar il y’a quatre jours de ça sur la possibilité d’un quelqu’un qui accroche son myocarde épineux, ce quelqu’un qui est peut-être lui. Il a sans doute rêvé mais son regard diamantin s’est posé sur lui en prononçant ces mots. Puis il y’a eu ce contact fatal, celui de son talon haut contre son mollet, électrochoc de ses sens et panne de courant dans sa tête. Elle a déjà trop de pouvoir sur lui et pourtant il n’aspire qu’à lui en donner plus. « Bonsoir. » Elle arrive enfin, baiser aux effluves de coco mademoiselle quand leurs visages se frôlent pour se saluer. Il lui demande si sa journée s’est bien passée, lui ouvre la porte du restaurant, la guidant ensuite jusqu’à une table réservée par lui-même la veille. « Ça te plaît ici ? » Son approbation lui permet de légèrement se détendre, pendant qu’elle consulte la carte il jette un coup d’oeil à son téléphone et aux notes qu’il a pris spécialement pour la soirée. Des sujets de discussions à aborder, d’autres à éviter ( conseillés par Ezéchiel ), puis d’autres annotations qui lui font froncer les sourcils. Des choses qu’Ezé s’est permis de commenter ou de corriger sur le google doc il y’a seulement quelques secondes de ça, suivi de messages de soutien ponctués d’une panoplie de smileys. Comme les commentaires de leur ami commun ont modifié ses plans, il s’attarde à les remettre dans l’ordre. C’est là qu’une toux le ramène à la réalité, à elle qui se sent délaissée par toute l’attention qu’il porte à son smartphone. « Désolé un souci avec… Un pote. » C’est l’excuse la plus crédible, surtout après avoir évoqué Maël dans leurs derniers sms. « J’ai bossé à la dernière fashion week et y’a une mannequin qui m’a parlé de toi, Isabelle… Je veux pas écorcher son nom mais elle était là pour représenter Hermès. Elle m’a dit qu’elle te connaissait et que vous aviez passé le même casting, elle t’a trouvée vraiment talentueuse je pensais que ça te ferait plaisir de le savoir. » Ce qu’il ignore, c’est que le sujet « Isabelle » fait partie de ceux qu’Ezé a barré de sa liste. Cette dernière est l’ennemie jurée d’Iseul et fait tout pour la saboter depuis qu’elles se connaissent, à commencer par ce fameux casting où elle a brisé l’un de ses talons pour fausser sa démarche et la ruse a fonctionné à ses dépens.
Le rendez-vous prend des teintes orageuses, les prémices d’éclairs comme dessiné au couteau à même la rétine de la top modèle foudroient Elliot sur place qui totalement inconscient du terrain miné qu’il a lui-même planté tout autour d’eux, demande d’une voix incertaine. «  Tout va bien ? »