(crédit : bandit rouge)


père : pas de nom ((à peine un visage)). plus que d’un père, léon se rappelle la voix qui faisait trembler les murs, mais plus encore le poids du silence qui précédait les cris et les pleurs. les souvenirs sont flous ; seul l’amour sonne encore comme un torchon de chimères.
mère : elle était pas bien jolie sophie. quand les autres mamans avaient toujours l’air de grandes dames, la sienne avait des taches sur le bras si on relevait sa manche, des fleurs bleues et pourpres tout le long du visage et du cou parfois. elle sortait jamais sophie. la première fois qu’elle a mis le pied dehors elle a pris léon par la main et n’est jamais revenue.
frère(s)/soeur(s) : longtemps il y eut le compagnon de toute heure que léon traînait partout avec lui. il fallait une place pour tom, un crayon pour tom, une assiette pour tom, un oreiller pour tom… mais ça faisait gronder papa de sa grosse voix, gronder la maîtresse aussi parfois. seule maman ne criait pas pour que tom s’en aille ((soupirait tristement)). des années plus tard le gamin a laissé s’effacer le pantin de solitude -- la vague à l’âme, la peine au coin des yeux.


école fréquentée : publique jusqu'en quatrième, puis privée.
diplôme(s) : brevet général, baccalauréat littéraire (mention assez bien).
situation actuelle : étudiant (licence 2 llcer anglais)
langue(s) parlée(s) : français, anglais, espagnol, coréen.


cigarettes : volutes de fumée montent aux nuages comme une prière silencieuse. cigarette et café, nicotine insomniaque, petit plaisir quotidien.
alcool : tourne et tourne sur ses pieds, alcool qui chante ses délices dès le deuxième verre ; un régal qu'on s'octroie entre amis.
drogues douces : bâton d'insouciance allumé au hasard de la nuit, weed tentatrice à laquelle on ne saurait dire non.
drogues dures : en voir passer ne l'a jamais tenté.

télévision : quelques secondes le matin, le temps d'attraper la télécommande sur laquelle tonton s'est endormi pour l'éteindre.
ordinateur : qui tourne avec autant de discrétion qu'un ventilateur en pleine canicule, au bord de l'explosion à force de films téléchargés dans la plus grande illégalité. et jusque tard dans la nuit, le cliquetis du clavier trahit la ferveur avec laquelle il écrit.
téléphone portable : en mode silencieux depuis un lustre, plus souvent oublié dans un coin que dans sa poche, il faut avouer qu'il ne sert pas à grand chose.
réseaux sociaux : un compte instagram qu'il daigne alimenter tous les 36 du mois de clichés en noir et blanc qui ne parlent qu'à lui.

régime : plutôt du genre à oublier une conserve de ravioli sur le feu qu'à se lancer dans de grandes expérimentations, il tient pourtant à réduire sa consommation de nouilles instantanées au profit d'une alimentation saine. sans être végétarien convaincu, il évite viande et poisson depuis quelques années.
maladie(s)/handicap(s) : bien qu'il ne porte pas ses lunettes au quotidien, l'ophtalmologue l'a diagnostiqué hypermétrope.

je trône dans l’azur comme un sphinx incompris ;
j’unis un cœur de neige à la blancheur des cygnes ;
je hais le mouvement qui déplace les lignes,
et jamais je ne pleure et jamais je ne ris.

o1. jolie sophie au cœur abîmé ; lorsque l'amante rebelle renie famille et pécule pour l'homme qu'on lui refuse, il semble une évidence. l'âme sœur, le seul, l'unique, celui-là qui l'aime comme personne. ensemble ils fuient paris pour la province nantaise où le rêve tourne au cauchemar. aux jalousies qui flattaient l'innocente succèdent les interdits -- l'isolement, les menaces, insultes entrecoupées de mots qui babillent l'inconditionnalité d'un amour qu'elle ne trouvera nulle part ailleurs. du bourreau sophie ne veut voir que les fallacieuses promesses. o2. ainsi naît léon, minuscule au milieu du chaos. sophie s'abreuve encore d'une haine passionnelle, incapable de déceler le monstre sur les traits qu'elle chérit. ce n'est que pour son fils qu'elle ouvrira les yeux ; un jour où papa caresse le visage juvénile du bout des poings. léon n'est pas allé à l'école demain. maman l'a pris par la main, a ouvert grand la porte et franchi le seuil de la liberté, quelques billets cachés dans l'ourlet du tout petit manteau. o3. la pluie ne tombe plus dans la loire, où chaque goutte décrit un orbe sur l'eau. léon saute à pieds joints dans les flaques de créteil, sourire ravageur qu'il darde sur tout visage ((c'est la rentrée)). mais dès le portail passé le monde vire au gris. qu'il est sale ! qu'il est mal fagoté ! c'est à peine s'il sait parler ! maman l'oublie souvent, ne paie ni garderie ni cantine... les absences s'accumulent, les appels restent sans réponse. et léon qui tourne sur lui-même des heures durant, pique le goûter des autres enfants. il est bien gentil, pourtant. il aime l'école et les gens. bientôt les services sociaux interviennent : ce sera le foyer, malgré les grands cris de sophie. o4. mais peu à peu on l’oublie. les traits se font flous et la voix de maman ne surgit plus qu’au milieu de rêves illusoires ((chaque nuit un peu plus différente, jusqu’à devenir un murmure éthéré)), derniers souvenirs qui s’envolent avec la fumée de six bougies sur un gâteau. alors débute le temps des corneilles. léon bâille à s’en décrocher la mâchoire, trace sous ses doigts flegmatiques des lignes sans fin qui donnent vie au chaos de ses entrailles. le gamin grandit dans les pans d’un monde où il est souverain, décrit son royaume en bribes décousues, car par-delà son fort intérieur rien ne fait sens ; ni ces enfants qu’on dit comme lui, ni leurs mots ni leurs gestes, ni maman et son absence pérenne. o5. il est l'introverti qui ne soupçonne pas sa différence, le rêveur pour qui tout est madeleine de proust, l'assidu qui travaille sans le savoir, juste pour s'occuper. probablement le seul môme du collège qu'un professeur ait interdit d'entrer au cdi. léon passe plus de temps dans livres et cahiers, ne paraît pas souffrir du décalage évident qui le diffère de tous. après tout, personne ne l'embête ; par notes d'humour il pousse à la curiosité plus qu'à la moquerie. o6. il n'y a qu'avec quelques garçons du foyer que les choses tournent mal. léon est un souffre-douleur silencieux. mais on finit par remonter à sa famille maternelle, convaincre un oncle de visiter ce neveu dont il ne soupçonnait pas l'existence. et le voilà pris sous l'aile béjaune de simon de brume, jeune adulte rétif qui a le mérite d'apprécier le gosse et la nonchalance qu'ils partagent. o7. à force de patience, ils façonnent tous les deux une petite existence tranquille. paris devient un foyer qu'ils arpentent chaque weekend pour en découvrir les dessous. « simon » ((c'est ainsi qu'il l'appelle)) est un vieux garçon un peu bohème féru de vieux films et de jazz, qui sans faire la fierté de sa famille tient un poste de commercial qui ne la fait pas rougir. belle entente qui devient fraternelle lorsque léon grandit : la tanière fait plus office de colocation que de grande maison, mais chacun y trouve son compte. o8. si le cursus littéraire allait de soi, léon n'a jamais su quoi répondre aux professeurs qui s'enquéraient de ses ambitions. porté par la curiosité et l'amour de la culture, il a tenté sa chance aux beaux-arts où il travaillait l’expression, la forme, les techniques qui traduiraient les valeurs auxquelles il veut se consacrer depuis tout petit. ce fut une jolie parenthèse, quoique rapidement abandonnée par crainte de ne pouvoir assurer son avenir. loin de considérer cette année comme une perte de temps, léon retient la chance d'avoir côtoyé de grands maîtres au cours des ateliers. o9. suivant les conseils d'une professeure de français qui, loin d'être dupe face à la nonchalance de son élève, voyait en lui un beau potentiel et lui avait conseillé une prépa littéraire, il s'est réorienté en cpge à fénelon. ce ne fut l'affaire que de quelques mois avant qu'il baisse les bras. trop abstraits, les beaux-arts. trop scolaire, hypokhâgne. léon se laisse porter au gré de ses envies, s'engage et se rétracte comme s'il n'y avait rien pour lui. 1o. mais depuis peu, il entame sa deuxième année en licence d'anglais. dieu sait où ça le conduira, mais pour l'instant il s'en contente bien ((simon menace de le mettre à la porte s'il refuse de se consacrer à une seule voie)). les langues, ça lui plaît. on l'y apprécie malgré son flegme légendaire, et lui joue de ses charmes pour attendrir la directrice de filière lorsqu'elle s'inquiète pour sa carrière. avec un peu de chance, il aura tout le loisir de mûrir son projet l'année prochaine, s'il obtient une place pour partir en erasmus au royaume uni. 11. l'art décliné aux couleurs de l'arc en ciel ; de fusains en pinceaux, graffitis deviennent toiles à la faveur de quelque nuit blanche. parfois ce sont des accords de guitare qui sonnent jusqu'à très tard ((sur les toits, les boulevards, dans les bars s'il s'en sent l'arrogance... puisqu'en vérité il ne joue pas aussi bien que son oncle)). il aimerait apprendre le piano, le violon, se mêler à un orchestre le temps d'une grande symphonie, jouer pour les plus grands comme les démunis. depuis longtemps c'est la danse contemporaine qui le tient en haleine ; mais il y a encore tant et tant de choses qui piquent son infernale curiosité. léon touche à tout, sans grand succès.