o1. toi rose, tu viens d'une famille plutôt classique. des parents avec un métier banal, qui vivent dans un bon arrondissement - pas le meilleur, mais loin d'être le pire. background religieux, ils sont croyants et ont beaucoup de valeurs. ils ont tout fait pour t'inculquer une bonne éducation. mais toi rose, t'as jamais trop aimé qu'on te dise quoi faire. t'as toujours été une enfant turbulente. loin d'être la fillette qu'ils attendaient, qu'ils espéraient. t'as passé ton enfance à te faire gronder, à entendre ton père te réprimander et ta mère se plaindre. "bon dieu, sauvez-la, cette gamine, elle a le démon." sauf que dieu, il n'existe pas. et d'toute façon, t'as jamais demandé à être sauvée.

o2. malgré ce côté rebelle et anti-conformiste, t'étais pas d'ces filles qui faisaient tout pour traîner avec les cool kids. tu faisais ta petite vie dans ton coin, ta bande de potes un peu marginaux bras-dessus bras-dessous. mp3 dans les oreilles, t'as grandi en écoutant des groupes déjà morts. toujours un train d'retard, t'aurais préféré naître une génération avant.

o3. tu sais pas trop comment tu t'es retrouvée dans ses bras. ton prof de littérature. c'est arrivé comme ça, un peu à l'aveugle. collègue de ton père. bien plus jeune, certes. mais plus vieux que toi d'une dizaine d'années. il était beau, son intelligence et sa présence d'esprit te passionnaient. pendue à ses lèvres dès qu'il ouvrait les siennes. pourtant, t'imaginais rien. mais quand la situation s'est présentée à toi, tu n'l'as pas rejetée. t'as ouvert grand les bras pour l'accueillir, même. sauf que ça s'est su. une élève qui vous a surpris ensemble, dans les toilettes. et bien sûr, digne d'une mean girl, elle s'est empressée d'immortaliser l'instant et d'balancer la photo dans tout le lycée. ton prof s'est fait virer, ton père s'est fait catalogué et pour toi, les insultes ont fusé. la salope du bahut. mais bon, tu t'en es toujours un peu foutue, de l'opinion commune.

o4. besoin d'te sentir vivante, besoin de te sentir utile aux yeux de quelqu'un. y'a antoine qui se présente. il est plus vieux, il paraît sûr de lui. il te veut. tu t'attaches. même s'il te traite pas très bien. même s'il laisse des traces bleues et rouges sur ta peau. tu lui trouves des excuses, aveuglées, coincée dans le déni. jusqu'au jour où tes parents te renient, que tu rampes vers lui en avouant ta tromperie. jusqu'au jour où il te brise les os et t'envoie à l'hosto. après, tu l'as plus jamais revu. et t'as compris un truc - t'as besoin de personne pour vivre. on ne peut compter que sur soi-même.

o5. ((throwback au jour du châtiment.)) comme si les relations avec tes parents n'étaient pas déjà assez dégradées, une erreur de plus - c'est tout ce qu'il a fallu. "erreur" dans leur bouche, pas dans la tienne. une amie qui dort chez toi. "amie". mains baladeuses. cœur qui palpite. dos qui se cambre. soupirs de plaisir. et ta mère qui ouvre la porte. et ta mère, visage horrifié, qui découvre la scène. qui te fout dehors, le lendemain matin. "ne t'avises plus jamais de revenir ici." qu'ils te disent. "je t'avais dit qu'il y avait quelque chose qui clochait chez elle." qu'elle chuchote à ton père. et t'es partie. sans t'retourner. une seule larme qui a perlé sur ta joue, avant qu'tu n'enterres cette partie de ta vie. une seule larme pour eux, l'unique et la dernière.

o6. tu savais pas comment vivre dans la rue toi. tu savais pas comment te faire d'l'argent. t'as toujours eu c'côté rebelle, mais t'avais jamais réellement du être indépendante. avant, tu l'étais par choix. pas par obligation. et tu l'étais pas vraiment. à vivre chez papa-maman, sans travail, sans factures, un toit sur la tête et un lit pour t'affaler. alors t'as commencé par crécher. chez tes potes. puis dans les auberges de jeunesse. et puis, t'as pris possession des bâtiments désaffectés. t'as vécu partout et nulle part à la fois, jamais deux nuits au même endroit. t'as rencontré ton nouveau groupe de potes. un peu paumés, comme toi. un peu dérangés, comme toi. un peu désemparés, comme toi. groupe de marginaux - des vrais cette fois, rejetés de la société, rêvant à la vie qu't'aurais pu mener si t'avais pas fait ci, si ça avait été différent. les drogues qui tournent, la coke qui devient ta came. accro jusqu'aux dents, camée en permanence. jusqu'à c'que tu t'dises que c'était plus possible. et qu'tu t'décroches un job au starbucks du coin. t'as enchaîné ensuite. toujours les mêmes genres de petits jobs qui payent au smic. en même temps, tu peux pas vraiment prétendre à plus vu qu't'as aucun diplôme. t'as eu assez d'chance pour trouver un appart dans le fin fond du 18ème. seize mètres carrés, sous les combles, sixième étage sans ascenseur. mais au moins, t'as un lit, un semblant d'chez toi.

o7. malgré tes airs de rebelle, t'aimes prétendre. t'aimes jouer. t'es bonne actrice, t'enfiles les personnalités à la suite. tantôt vulgaire, tantôt grossière, tantôt libre, tantôt petite fille, tantôt criminelle, tantôt innocente, tantôt grunge, tantôt princesse. t'aimes te donner l'air riche alors qu'en vrai, tes fringues viennent au mieux d'h&m. t'aimes rêver, t'imaginer couverte de diamants, dans des draps de soie, perchée sur des belles semelles rouge écarlate. sauf qu'la vérité, c'est que si ça t'arrivait, tu serais pas forcément à l'aise. tu t'es habituée à ta misère. t'es pas une fille matérielle, ton p'tit appart, tu t'en contentes, il te va bien comme ça. l'alcool cheap à boire au goulot allongée à même le sol, tes jeans délavés et tes vieilles doc aux pieds. t'as beau prétendre autant qu'tu veux, mais c'est cette fille là que tu resteras. et c'est p'têtre pas plus mal comme ça.

o8. malgré tout, t'as jamais voulu rentrer dans les codes de la société. t'as toujours eu ce besoin de te différencier. t'as besoin d'attention rose, t'es comme ça, c'en est limite maladif. t'as besoin de te faire remarquer, en bien ou en mal, peu importe tant qu'on parle de toi. que ce soit par tes fringues, par tes couleurs de cheveux changeantes, par tes tatouages, par ta vulgarité. par tes battements de cils, par tes yeux clairs au soleil, par ton nez retroussé, par tes provocations, par ton rire cristallin. t'es un peu trop séductrice rose, ça, c'est ton besoin de plaire, ton besoin d'être rassurée, la façon que t'as trouvé pour te convaincre qu'on veut encore de toi, que t'es pas qu'une ratée.

o9. le bleu est ta couleur préférée. couleur que t'arbores fièrement sur tes mèches vagabondes la plupart du temps. couleur si versatile. le bleu, il peut être vibrant et électrique comme il peut être morose. il peut être céleste, il peut être calme, il peut être profond, il peut être royal. t'aimes ça toi, parce que toi aussi, t'es multidimensionnelle. toi aussi, t'es changeante, tu te laisses bercer par tes émotions, qu'elles soient négatives ou positives. tu n'réfléchis pas avec la tête mais avec le corps et le coeur.

1o. après antoine, y'a eu quelqu'un d'autre. y'a eu briséis. princesse capricieuse avec qui tu n'avais absolument rien en commun. héritière, fortune colossale. qui te couvrait de cadeaux que tu n'arborais jamais. qui t'insultait quand t'étais défoncée. vouloir te modeler à son image, "sois un peu plus comme moi rose" qu'elle disait. et toi, tu voulais qu'elle soit un peu plus comme toi. relation toxique à souhait, ça a duré trois ans avant que ça ne meurt en juin 2019. ghostée, c'est tout c'que tu méritais apparemment. pas de rupture officielle, juste un silence et une photo sur instagram avec son nouveau mec cliché. ça et d'autres merdes - c'est tout ce qu'il a fallu pour que tu cèdes à tes vieux travers. si tu continues, tu vas bientôt avoir les sinus en sang. tant pis pour toi, si tu préfères te tuer, c'est ton choix.