Ce soir est une date à marquer dans le calendrier, à encadrer et souligner en rouge : ce soir, Sam n’est pas sorti. Ce soir, Sam n’a aucune boisson qui complète ses phalanges. Ce soir, Sam est affalé dans son lit, il fixe le plafond et écoute de la musique bien trop fort dans ses oreilles. Quand il a vu l’une de ses colocataires sortir, il s’est dit qu’il ferait de même un peu plus tard dans la soirée et puis il a abandonné cette idée. La télévision étant occupée par quelqu’un d’autre, il a volé un sandwich préparé pour quelqu’un d’autre dans le réfrigérateur et s’est isolé dans sa chambre. Loin des autres, loin de lui-même : les pensées qui dévient, l’envie d’être seul au monde, pour toujours. D’un seul coup, la musique dans ses oreilles s’arrête et laisse place à une autre mélodie qu’il déteste : celle de sa sonnerie. Quelqu’un l’appelle. Un coup d’oeil à son téléphone et il voit que c’est Jono, sa colocataire préférée, qui l’appelle. Celle qu’il a vu partir un peu plus tôt, celle qu’il a voulu rejoindre, sans oser y aller finalement. Il souffle longuement et tire sur le bouton vert pour répondre à l’appel, pas le temps de susurrer un « allô », non, elle prononce son prénom à plusieurs reprises. Il se relève dans son lit car il comprend déjà qu’elle est dans un état second, que tout n’est pas normal et qu’il va devoir intervenir. Le brun se concentre, se répète lui-même chaque mot qu’elle prononce pour être sûr de ce qu’il entend. Eh, tu m’écoutes ? Deux secondes ? J’arrive. J’sais pas encore où tu es mais j’arrive. Bouge pas et parle à personne, ok ? Loin d’être un preux chevalier, il va quand même tenter de voler à son secours. Le cheval blanc et l’armure sont loin, sa première arme pour la localiser est encore entre ses mains : son téléphone, qu’il déverrouille pour ouvrir l’application snapchat. La géolocalisation, il n’y a que ça de vrai. Le brun repère rapidement la blondinette au milieu des autres avatars et prend note du quartier où elle semble être. Paris est un véritable labyrinthe pour Sam qui ne vient clairement pas d’ici, mais il faut qu’il y aille. Il vient de lui dire, elle compte sur lui. Alors il se lève, enfile un sweat par-dessus son t-shirt et sort, prêt à affronter les rues de Paris, prêt à lutter contre ses propres pulsions pour ne pas finir dans le premier bar qu’il va croiser. Le brun marche quelques minutes, le GPS de son téléphone dans la main, il a essayé de trouver sur google map quelle est la rue qui ressemble le plus à celle où semble être Jono sur l’application de discussion. Au bout d’un temps, il retourne dans ses contacts pour l’appeler une nouvelle fois. Un bip, deux bip, elle décroche. Eh Jono ? J’pense que j’suis pas très loin, décris-moi c’que tu vois autour d’toi s’te plaît. Concentre-toi. Il dit ces derniers mots, préférant éviter qu’elle lui parle de licornes ou de choses dans le genre. La réalité, seulement la réalité.